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Mot de la Présidente : Le Goût de l'eau

C’est sûr, elle va nous manquer, d’ailleurs elle nous manque déjà. Personne n’ignore qu’elle fut et qu’elle est source de vie sur terre. Bien plus, elle est une arme : il suffit de la supprimer pour que mort s’ensuive. Celle des humains, celle des animaux, des plantes et de toute vie sur terre. Mais les chances sont inégales. Pour les mesurer, l’on peut se référer aux restrictions d’usage de l’eau dans les départements de notre hexagone qui oscillent, à la fin août, entre l’alerte simple et l’alerte renforcée qui concerne l’ensemble des départements du Sud-Ouest.

Plus gravement atteints, les départements du Var, des Pyrénées Orientales et la ville de Lyon sont en « crise ». Les premiers orages n’ont en rien dissipé les craintes de la baisse anormale des nappes phréatiques et de la transformation des rivières en ruisseaux avec maints passages à gué de rocher en rocher…Nous ne sommes pas les plus mal logés dans cette quête de l’eau en raison de l’étendue du littoral maritime qui fait de la France un finistère.

Et, surtout, il y a le goût de l’eau ou plutôt des eaux qui contribue à l’inégalité des chances. Au point de donner à certains pays une allure de terre promise : ainsi du Groenland qui met les icebergs en bouteilles…C’est là que le réchauffement climatique s’exerce avec le plus de vigueur et livre à la consommation des glaces de plus de 200000 ans d’âge ! Les icebergs en train de fondre sont des vestiges des glaciations de l’ère quaternaire dont l’eau douce se déverse en quantité dans les eaux salées. À lui seul, le Groenland disposerait d’une calotte glaciaire contenant 10% des ressources en eau douce de la terre entière. De quoi éveiller la soif d’entrepreneurs de la mise en bouteille. De quoi susciter des comparaisons entre le pétrole et l’eau potable. Ainsi, en 2021, 59 milliards de litres d’eau ont été vendus dans le monde et ont rapporté un chiffre d’affaires de près de 38 milliards d’euros. En Chine, dans les pays du Golfe, aux États Unis, chaque bouteille atteint le prix de 12 euros, calqué sur la valeur d’un vin des Bordeaux…Et la publicité qui entoure leur commercialisation éveille la curiosité des buveurs d’eau et peut-être de vin : un verre de cette eau plurimillénaire présente « la pureté de la préhistoire » et « le goût d’il y a cent mille ans ».

Bonne dégustation en perspective !

Anne-Marie Cocula

Présidente de l'IGNA