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Éditorial de la Présidente : Il faut sauver l’une de nos sentinelles du goût, la charcuterie Crouzeilles-Léris ?

Comment accepter que cette sentinelle du goût sélectionnée par les soins de l’IGNA soit victime d’un trop-plein d’énergie taxé d’une facture démentielle, multipliée par sept par rapport à la précédente et capable de contraindre les Crouzeilles-Léris à fermer boutique, une fois épuisé leur stock évalué à 3000 andouilles du Béarn...

De vraies andouilles et non des fausses, de toute nature, dont l’abondance reste intarissable ? Le désarroi du couple des propriétaires se lit sur leurs photos et transparaît dans leurs commentaires. Certes ils avaient décidé, l’âge venu, de prendre leur retraite dans deux ou trois ans. Certes, ils ne travaillaient plus qu’avec deux salariés, fidèles au poste et présents à leurs côtés sur la photo prise dans la boutique sise dans une rue étroite du bourg de Gan, en Béarn. Certes, ils s’étaient résignés à cesser toute activité et à ne pas voir se perpétuer leur établissement au bout des trois générations qui l’ont conduit à la perfection de leur spécialisation. Il fut fondé en 1933, soit depuis 90 ans, cette année porteuse de périls incalculables où le nouveau chancelier d’Allemagne, Adolf Hitler, imposa en quelques mois l’ordre nazi et décida à la mi-octobre de quitter la Société des Nations. Autant d’alarmes qui expliquent la décision de l’Académie suédoise de ne pas accorder, cette année-là, de prix Nobel de la paix. Mais, au pied des Pyrénées, si loin de Berlin, comment s’inquiéter du désastre annoncé d’une folie déjà meurtrière ?

On imagine sans peine l’élaboration raisonnée d’une recette concoctée par ces charcutiers devenus fabricants d’andouilles à l’ancienne, au sceau du Béarn. Pour s’en persuader, il suffit de contempler ces andouilles en photos, regroupées dans la pénombre du séchoir où elles passent six à huit mois et toutes suspendues à des étagères qui leur apportent le bénéfice de leurs odeurs boisées. Ensuite, enveloppées de chiffons, vient le temps de leur cuisson qui dure au moins une journée et parfois un jour et demi. Mises en vente à quarante euros le kilo, elles se dégustent à la façon d’un saucisson qui régale le palais de clients fidèles, attitrés et nombreux. Comment la fée électricité peut-elle accepter de suivre les consignes de l’EDF qui prive cette charcuterie si réputée de ses dernières années d’existence ?

Anne Marie Cocula

Présidente de l'IGNA