Pourquoi le piment à Espelette ?
Le piment d’Espelette est originaire d’Amérique tropicale, vraisemblablement du Mexique. Il appartient à la famille « capsicum annuum. Il est parvenu à Espelette avec les Conquistadors, accompagné notamment du maïs, de la pomme de terre et du cacao. C’est donc d’Espagne ou par les marins basques via port de Bayonne – Espelette est un village proche de la frontière – que le piment arrive en France, pour voir sa culture s’étendre autour de son berceau d’introduction. Espelette est alors une zone de commerce notoire. En fait, c'est dès octobre 1721 qu'Espelette avait bénéficié des lettres patentes accordées par le jeune roi Louis XV, sous la Régence du Duc d'Orléans : elles permettaient aux habitants d'Espelette d’organiser une foire de 8 jours à compter du 15 juin et de tenir marché de 15 en 15 les 2 et 4ème mercredi.
C’était une plante sauvage utilisée comme plante médicinale par les autochtones. Ce sont les oiseaux qui se sont chargés de la disséminer dans tous les écosystèmes du nouveau monde où la plante pouvait se développer. Elle devient à la fois : plante de soin, d’ornement, légume, épice suivant les lieux et ce en fonction de la mise en valeur de certaines de ses particularités. Ce sont les milieux de culture qui ont mis en évidence les différentes facettes d’intérêts de la plante. Elle présente en effet de nombreuses vertus liées aux molécules qu’elle synthétise de manière plus ou moins importante en fonction de paramètres de sols et climatiques locaux. La graine du piment « Gorria » semée à Espelette ou à Bordeaux développera des morphologies de plante et de fruit différentes (dimorphisme pédoclimatique marqué) et des différences de goût ; d’autres plantes ont la même faculté.
C’est bien le terroir défini par l’AOP qui lui donne toute sa spécificité gustative. Le fruit, comme la fleur, est construit sur une découpe en cinq parties, il est long et galbé, sa couleur rouge et brillante quand il est frais en fait un emblème décoratif du Pays basque.
En moins de 80 ans la réputation du piment aura colonisé le monde entier. Les comptoirs commerciaux de l’Espagne, du Portugal, de la France et de Hollande ont largement participé à ce succès. En épice il est à l’origine du Paprika Hongrois et la base de nombreux curry Indiens, la harissa magrébine. Au XVIIIème siècle il est utilisé pour ses vertus thérapeutiques : « Capsicum, piment, appétit l’excite, vents les dissipe, esprits réveille, digestion et transpiration les excite ». Il a une autre vertu que l’on découvre plus tard, il est un bon antiseptique et il repousse certains insectes ce qui lui vaudra de couvrir les salaisonneries en conservation, notamment les jambons.
Si l’on observe bien les lieux de production il est possible de dégager ce que l’on peut appeler les respirations de ces aires de cultures en fonction des conditions climatiques, proches de l’Amérique tropicale. Les terrains représentant le cœur de l’appellation du piment d’Espelette sont plantés annuellement avec de jeunes plants.
Au Pays basque c’est sous forme de poudre que le fruit est utilisé. Ceci explique le séchage en plein air, en lieux aérés et en plein soleil, sur un support blanc. Cette plante rencontre dans les communes proches d’Espelette un microclimat qui :
- est voisin des milieux tropicaux de ses origines : entre océan et piémont Pyrénéen. Les nuages portés par les vents de l’Océan viennent se bloquer sur les premières pentes du Massif Pyrénéen formant un effet de « serre humide et chaude », favorable au moment végétatif de la plante.
- puis des journées chaudes et ensoleillées au moment du séchage des fruits (enfilés sur des cordes, souvent accrochées aux façades des maisons à l’époque - aujourd’hui principalement sur clayettes
Doucement cette production intimement liée aux pratiques gastronomiques locales et à la gestion des viandes de salaisonnerie (surtout les Jambons de Bayonne) est devenue le revenu de la femme du foyer : l’« ama » (mère) basque en sa maison. Les parcelles cultivées étaient toujours à vue de la cuisine pour être surveillées et facile d’accès pour le travail du sol et l’arrosage. N’oublions pas que c’est elles qui avaient le redoutable « privilège » de moudre les fruits secs pour les transformer en poudre, facile à conserver en sachets ou pots de grés ou de verre. Capsicum serait dérivé du latin capsa qui signifie « boite ou coffre » pour préserver le fruit ! Le piment d’Espelette seulement compris entre 1500-2500 sur l’échelle de Scoville ne présente pas de caractère agressif seulement une chaleur.
Piment en poudre
La poudre de piment d’Espelette AOP est soumise à une dégustation professionnelle avec : jurys et verres anonymes. Les dégustateurs doivent se déterminer sur la qualité de la poudre. Elle doit être piquante sans être brûlante et présenter des parfums au nez et en bouche propres à de nombreuses solanacées : de type tomate, poivron, mais aussi une couleur rouge affirmée.
Dans son ouvrage de fin de vie Andde Darraidou a remarquablement retracé le travail des producteurs d’Espelette pour que ce produit unique devienne : AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) en 2000 et AOP en 2002. Les vertus basques de fierté, de courage, de ténacité collective, de sincérité ont été les atouts de ce groupe d’hommes et de femmes groupé derrière leur maire Andde Darraidou et leur Présidente de l’époque : Madame Maritxu Garacotche-Lecuona. L’aventure avait commencé en 1991 et s’est conclue en 2000 avec le Signe d’Identification de Qualité d’Origine (SIQO), reconnaissant la spécificité du Piment d’Espelette.
Alain Mur
Informations : www.pimentdespelette.com
A visiter : Le Centre d'interprétation du syndicat de l’AOP Piment d’Espelette-Ezpeletako Biperra
25, Merkatu Plaza 64250 Espelette Téléphone : 05.59.93.88.86